Les champignons et les micro-organismes : comment les inclure dans l’agriculture urbaine ?
Qu’est-ce que les champignons font ? Pourquoi sont-ils si importants ? Voici un résumé des champignons, avec plusieurs projets pour les intégrer dans vos jardins !
Écrit par Anya Mukundan (Stagiaire en agriculture urbaine, spécialisation microbiologie du sol)
Quand vous pensez « nature en ville », quelles sont les premières choses qui vous viennent à l’esprit ? Peut-être au premier plan de l’image vous voyez des plantes, des arbres, de l’herbe, tout ce qui est « vert. » Deuxièmement vous apercevez peut-être des animaux : les oiseaux, les écureuils, les abeilles, et même les autres êtres humains qui co-habitent avec vous. Mais ce qu’on voit rarement ce sont les organismes au-delà des plantes et animaux : le règne des mycètes (et aussi des bactéries !). C’est vrai que de temps en temps on voit un champignon qui pousse à côté du sentier, ou la moisissure sur une pomme oubliée, mais ce n’est que le début. Les champignons peuvent être pluricellulaires avec un corps reproductif (ce qu’on voit comme champignon) et les racines qui s’appelle le mycélium, ou il peut être unicellulaire, comme la levure. On estime qu’il y a plus de cinq millions des espèces de champignons (Blackwell 2011), et on est encore en train de les décrire tous. Les champignons vivent partout dans le sol, l’eau, l’air, et sur ou dans les organismes. Il y a plusieurs mètres de tissue fongique dans une cuillère à café de sol (Merrifield 2010) ! Et c’est même plus étonnant que les microbes qui vivent sur et dans nos corps soient dix fois plus nombreux que nos propres cellules (HMB 2012).
Alors, qu’est-ce que ces champignons font ? Pourquoi sont-ils si importants ? Le grand rôle joué par les microbes, c’est celui de décomposeur. Les champignons mangent les détritus, la matière organique morte, et redonnent leur nutriment à l’écosystème dans les formes disponibles pour les autres organismes. En bref, ils sont les recycleurs de l’écosystème. Pourtant, avec millions d’espèces vient de la diversité, et les champignons ont une variété des fonctions différentes au-delà d’être décomposeurs ! Plusieurs habitent dans le sol ou dans les racines des légumes comme les fèves pour rendre l’azote disponible. Les mycorhizes sont les champignons qui habitent dans les racines des plantes, et ils peuvent aider les arbres pour capter le phosphore ou les rendent plus tolérant aux changements de salinité. Sans les mycorhizes, 80-90% des plantes ne pourraient pas survivre (OpenStaxCollege 2021). Dans les feuilles, les champignons produisent les composés chimiques qui dissuadent la prédation des fourmis (Estrada et al. 2013). Les microorganismes dans les estomacs des vaches (et du notre aussi) aident la décomposition de cellulose qui serait difficile de faire avec leurs propres corps. Bien sûr les microorganismes trouvent un bénéfice de faire tout ça parce qu’ils reçoivent à la fois le logement et la nourriture – c’est une symbiose mutualiste.
Aujourd’hui nous n’avons que commencer à découvrir les bénéfices des champignons dans nos vies. Traditionnellement, on utilise la levure pour faire du pain, du vin, et de la bière (OpenStaxCollege 2021). On mange les « grands » champignons pour les nutriments et les protéines (Sayner 2021). Aujourd’hui nous commençons à découvrir les atoûts des champignons.Les métabolites secondaires (les produits chimiques des champignons) sont isolés et utilisés dans les antibiotiques comme pénicilline (OpenStaxCollege 2021), et ils sont souvent utilises dans les nouveaux traitements du cancer (Shamsaei et al. 2020).
C’est clair que les champignons sont essentiels dans notre écosystème et qu’on doit les considérer, les protéger, et les utiliser. Alors, dans un contexte urbain comment est-ce possible ? Comme dans la campagne, les microorganismes existent dans le sol et en plein air, mais aussi dans les bâtiments et eaux usées. Parce que les types des microorganismes dépendent de beaucoup de facteurs, chaque ville a sa propre empreinte microbienne (Barron 2021). Cependant, il faudra plusieurs études à propos de la mycologie urbaine pour mieux comprendre son rôle dans l’écosystème urbain.
Donc, nos actions restent sur une échelle plus petite : celle de chez nous et dans notre quartier. On pourrait considérer les micro-organismes dans leur rôle de mise à disposition des nutriments pour les plantes, et donc les utiliser dans nos techniques de jardinage. Premièrement, il est important de favoriser les bons microbes existant déjà dans votre sol. L’absence des bons micro-organismes ou la présence des pathogènes peuvent détruire ou vivifier votre jardin.
Les bons gestes:
- Évitez les perturbations physiques du sol qui peuvent changer l’équilibre naturel de populations de micro-organismes dans le sol (“The Living Soil”).
- Donnez une quantité suffisant d’eau à votre sol – pour à la fois vos plantes et les microbes !
- Ajoutez le compost à votre jardin (je reparlerai de ça plus tard) pour nourrir les champignons avec la matière organique (“The Living Soil”).
- Entre vos récoltes, plantez les cultures de couverture. Ces plantes, comme l’avoine et les petits pois ont les racines qui améliorent le sol en lui donnant l’azote (“Cover Crops”). De plus, ils combattent les mauvaises herbes. De plus, ils combattent les adventices. Il faut faire des recherches pour trouver les bonnes cultures pour votre jardin.
Si vous souhaitez expérimenter avec votre jardin, il est possible d’ajouter des micro-organismes eficaces à votre sol. Pour éviter les pesticides ou fertilisants chimiques, vous pourrez les remplacer par les produits fongiques. Il existe des inoculas pour le sol et ils portent les microbes qui fixent l’azote ou rendent disponible le potassium et le fer (George 2019). Il y a les biopesticides, comme Trichoderma, qui vivent sur les racines des plantes et ils attaquent les micro-organismes pathogènes (George 2019). Néanmoins, pour jouer avec l’équilibre des micro-organismes qui existent naturellement dans le sol il faut rechercher et expérimenter à une petite échelle avant d’appliquer les produits partout dans votre jardin. À mon avis, en général c’est mieux de favoriser les micro-organismes naturels plutôt que de risquer les grands déséquilibres en ajoutant des micro-organismes extérieurs.
Un autre moyen plus “naturel” d’ajouter les bons micro-organismes à votre sol est le compostage façon Bokashi. Bokashi Composting par Adam Footer était une très bonne ressource sur le sujet pour moi, mais il existe plusieurs manuels dans les bibliothèques toulousaines. Ce moyen de compostage d’origines asiatiques prend en compte et profite des fonctions microbiennes. Il utilise les combinaisons spécifiques de bons micro-organismes (EM, ou Micro-organismes Essentielles) dans un processus de fermentation qui décompose les sucres, produits des acides aminés et rend les déchets décomposables par le sol (Footer 2016). Ces micro-organismes combattent les autres microbes qui font pourrir la nourriture, donc ce processus ne produit de mauvaises odeurs et en plus, il est possible de le faire avec de la viande et des produits laitiers ! Un autre bénéfice par rapport au compostage normal est que le Bokashi ne prend pas beaucoup d’espace, donc ça marche même pour un.e Toulousain.e au centre-ville. Aussi avec la fermentation, il n’y a pas de production de gaz à effet de serre. Le processus ne prend pas autant de temps que le compostage normale – juste quelques semaines ! Parce qu’il a lieu dans un seau, aucun nutriment n’est perdu.
Alors, il y a plusieurs manières de faire le Bokashi , mais il faut un seau hermétique (la fermentation est un processus anaérobie) et l’activateur de compost Bokashi qui contient les micro-organismes (trouvé au magasin du bricolage ou fait maison) (Footer 2016). Il est possible d’acheter un seau Bokashi avec un robinet pour égoutter les déchets d’un liquide qu’on appelle le thé Bokashi. Il est aussi possible de trouver un seau pas cher au magasin du bricolage et ajouter un robinet. Ici à l’association Les Agribains on est un train de faire notre premier essai du Bokashi. Pour quelques euros on a acheté deux seaux de 15 L et percé les trous au fond d’un des seaux. Après, nous avons empilé l’un sur l’autre pour que le thé puisse s’écouler au fond du deuxième seau.
Le Thé Bokashi L’enterrement
Nous avons commencé avec une couche fine d’activateur Bokashi avant d’ajouter nos déchets. Puis, nous avons ajouté une couche d’activateur chaque 3 cm de déchets. Chaque fois nous avons tout mélangé et compressé, et puis nous avons fermé le seau pour garder l’environnement anaérobie (sans oxygène). Dès que le seau est rempli à 80% de déchets, il faut le laisser fermenter pendant 2 semaines dans un endroit chaud et à l’obscurité. Nous avons vidé le seau du liquide tous les jours. Le thé est plein de nutriments pour améliorer le sol du jardin, mais il faut l’utiliser toute suite après l’avoir collecté. A la fin du processus de fermentation, nous aurons le pré-compost. Il est important de l’enterrer loin des plants (il est acide) pour créer un sol plein de nutriments et de bons micro-organismes. Si vous n’avez pas assez d’espace, mélangez le pré-compost avec la même quantité de sol dans un seau, et vous pourrez l’utiliser directement dans votre jardin après qu’il est entièrement décomposé.
Jusqu’à maintenant je parlais des micro-organismes, mais les grands champignons ont une place aussi dans l’agriculture urbaine. La Boîte à Champignons est une entreprise en Île de France qui promeut la culture des champignons sur le marc de café. Les champignons profitent des nutriments du marc pour pousser. La Boîte à Champignons vend des kits complets qui vous permettent facilement de faire pousser les champignons, et aussi juste le mycélium des pleurotes. Vous devez ajouter le mycélium au marc de café avec un peu de carton (qui apporte la cellulose et des poches d’air) dans un récipient avec un ou plusieurs trous par lesquels les champignons peuvent émerger. Vaporisez d’eau chaque jour, et vous aurez les champignons en deux semaines !
Dans le processus, leur mycélium s’étende partout dans le marc et rend le celui-ci bon pour ajouter à votre sol comme du compostage. Et pour les champignons – bien sûr vous pouvez les manger ! Les pleurotes, qui sont très facile à faire pousser, sont aussi très bon pour la santé. Ils sont plein de protéine, fibre, potassium, fer, calcium, et vitamines C, D, et B12 (Sayner 2021). Dans un projet, vous pouvez recycler le marc de café, manger sain, et créer une matière pleine de nutriments pour le sol ! Et si vous n’aimez pas le café – pas de souci ! Demandez-le à un café près de chez vous et agissez pour la transition écologique dans votre quartier. Même dans le contexte des micro-organismes c’est possible de prendre en compte l’aspect social de l’agriculture urbaine.
Alors, c’est intéressant et même amusant d’inclure les champignons quand on pense à l’agriculture urbaine. J’espère que cet article vous a donné quelques idées pour agir chez vous, ou au moins une meilleure prise de conscience à propos des organismes qui vivent à côté de nous, mais hors de l’œil humain.
Bibliographie
Barron, M. (2021). “How Urban Microbiomes Contribute to the Ecology of City Life.” American Society for Micriobiology. https://asm.org/Articles/2021/August/How-Urban-Microbiomes-Contribute-to-the-Ecology-of
Blackwell, M. (2011). “The Fungi: 1, 2, 3 … 5.1 million species?” American Journal of Botany, 98(3), 426-438. doi:10.3732/ajb.1000298
“Cover Crops.” (n.d.). Cedar Circle Farms. https://cedarcirclefarm.org/tips/entry/cover-crops
Estrada, C., Wcislo, W. T., & Van Bael, S. A. (2013). “Symbiotic fungi alter plant chemistry that discourages leaf‐cutting ants.” New Phytologist, 198(1), 241-251. doi:10.1111/nph.12140
Footer, A. (2016). Bokashi composting scraps to soil in weeks. New Society.
George, H. (2019). “The Benefits of Applying Soil Inoculants and Microbes in the Garden.” Gardener’s Path. https://gardenerspath.com/how-to/composting/benefits-soil-inoculants/
HMB (2012). “NIH Human Microbiome Project defines normal bacterial makeup of the body.” National Institutes of Health https://www.nih.gov/news-events/news-releases/nih-human-microbiome-project-defines-normal-bacterial-makeup-body
“La Boîte à Champignons.” (n.d.). https://www.laboiteachampignons.com/
Merrifield, K. (2010). “The secret life of soil.” OSU Extension Service. https://extension.oregonstate.edu/news/secret-life-soil
OpenStaxCollege. (2012). “Importance of Fungi in Human Life.” http://pressbooks-dev.oer.hawaii.edu/biology/chapter/importance-of-fungi-in-human-life/
Sayner, A. (2021). “Health Benefits of Oyster Mushrooms.” Grocycle. https://grocycle.com/health-benefits-oyster-mushrooms/
Shamsaei, S., Getso, M., Ahmadikia, K., Yarahmadi, M., Farahani, H. E., Aslani, R., . . . Raiesi, O. (2020). “Recent findings on the role of fungal products in the treatment of cancer.” Clinical and Translational Oncology, 23(2), 197-204. doi:10.1007/s12094-020-02428-1
“The Living Soil – Microorganisms.” (n.d.). Cedar Circle Farms. https://cedarcirclefarm.org/tips/entry/the-living-soil-microorganisms
0 commentaire